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Délit d’opinion. Arriverait-on lentement à un régime dictatorial ?

Article publié le 11 octobre 2016 par Pour l'Unité dans Chronique @

Beaucoup d’encre a coulé concernant la récente question de l’introduction dans la législation française d’un délit d’entrave à l’IVG (interruption volontaire de grossesse) sur internet.

« A l’initiative de Laurence ROSSIGNOL, ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, un amendement au Projet de loi Egalité Citoyenneté reprend une recommandation formulée en 2013 par le HCE dans son rapport relatif à l’information sur l’avortement sur internet. Il cible les sites internet qui, sous couvert d’une neutralité apparente et d’un aspect institutionnel, cherchent délibérément à dissuader les jeunes filles et les femmes à avorter. Les plus démunies et les moins bien informées constituent la cible de cette désinformation et sont souvent des mineures qui ne savent à qui s’adresser. » (pour une lecture complète voir lien dans la note).[1] Le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes se fait, comme indiqué ci-dessus, le chantre de ce qu’il considère comme une avancée sociétale.

Il n’y a pas que cet organisme d’ailleurs, mais aussi toute l’intelligentsia qui, avec lui, crient au danger face aux quelques citoyens qui osent dire que l’avortement n’est pas si anodin que cela et que, somme toute, on ne peut pas se taire face aux conséquences dramatiques d’un avortement. De fait, c’est toute la subtile dialectique qui est mise en branle par les tenants de ce droit qu’ils considèrent comme fondamental, quasi « inaliénable et sacré », pour mieux faire passer ce qu’on peut clairement appeler la naissance d’un délit d’opinion.

D’où le mot de « désinformation » utilisé dans le texte du HCE et pire, le fait pour d’autres tenants de l’avortement de vouloir supprimer la clause de conscience. [2] Est-il besoin d’avoir de nos jours un ministère de la propagande, comme sous les dictatures fascistes et sous les régimes totalitaires communistes et nazis ? Apparemment non car le matraquage médiatique, intellectuel, culturel et politique sur ce sujet, depuis quelques décennies, produit le même effet sous des dehors très libéraux, mais sans la contrainte physique. Il est donc plus subtil et plus ravageur pour arriver à semer la même confusion dans les têtes et dans les cœurs en faisant passer un mal pour un bien et inversement et à avilir ainsi la pensée. Et malheur à celui qui s’opposerait au progrès décrété par l’État, notre père à tous (ou notre mère à toutes, pour les féministes) ! En reviendrait-on à la phrase tristement célèbre : « pas de liberté pour les ennemis de la liberté », attribuée au sanguinaire révolutionnaire Louis Antoine Léon de Saint-Just, dit l’Archange de la Terreur ? Parce que, sans rire, on ne peut toute de même pas affirmer que l’avortement est « un acte médical comme les autres » comme d’aller se faire brûler une verrue, non ?

Mais comment ne pas avoir à l’esprit qu’une telle violence faite à l’embryon ne peut que générer de la violence dans la société ?[3] On crée par là-même, petit-à-petit, les conditions d’une crise gravissime de civilisation en raison du fait que la charité se refroidit dans un pays où l’on réduit l’embryon à une vulgaire excroissance de chair. Où est la liberté lorsqu’il n’est même plus permis de critiquer tout projet politique, surtout celui qui consiste à vanter le fait de tuer les plus vulnérables dont font partie ces enfants. Car qui peut dire qu’un embryon donne autre chose qu’un enfant ? Affirmer le contraire n’est-ce pas commettre ce que Jésus appelle « le péché contre l’Esprit » (cf. Mt 12, 31-32) ? Une politique publique d’accueil des femmes pour qu’elles puissent aller au terme de leur grossesse et éduquer leur enfant dans des conditions matérielles et morales décentes serait autrement plus porteur pour notre société. Nul doute qu’elle susciterait aussi des initiatives heureuses chez nos concitoyens car faire le bien crée une spirale dynamique dans le bien.

Le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, s’est exprimé [4] avec des mots justes sur cet amendement au projet de loi égalité et citoyenneté (finalement rejeté par le Sénat). Il appelle à une « prise de conscience que l’avortement n’est pas un progrès » mais « un échec social », puisque « la société ne permet pas à des femmes de mener à bien leur grossesse », et « un échec personnel, parce que des femmes sont dans des situations de détresse d’où elles ne pensent pas pouvoir sortir autrement que par l’avortement ». Il ajoute que « Porter atteinte à la vie d’autrui n’est pas un droit. Ça peut être une contrainte, une situation sans issue, mais on ne peut pas en faire un droit ni surtout un signe de progrès. »

Nous avons échappé à la création de ce délit d’opinion, mais pour combien de temps ? La digue pourra-t-elle encore résister à la prochaine vague ? Quel subterfuge les chantres de la liberté vont-ils utiliser pour parvenir à cette fin ? Que cette gesticulation intellectuelle fasse prendre conscience aux chrétiens et aux hommes de bonne volonté que nous avons un combat d’idées à mener contre le mal qui s’insinue sous des formes de bien et de séduction. C’est l’Esprit Saint qu’il nous faut invoquer pour avoir tout le discernement nécessaire afin de détecter l’erreur et dire et faire comme saint François d’Assise : « Là où est l’erreur, que je mette la vérité ».

Mahrien

[1] Pour une lecture complète de l’argumentation du HCE, lire :

http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/sante-droits-sexuels-et/actualites-53/article/delit-d-entrave-a-l-ivg-sur

[2] Voici ce qu’écrit le Planning familial sur son site : « Régulièrement, des tentatives de donner un statut à l’embryon remettent en cause ce droit. De forts lobbys français et internationaux l’attaquent, notamment par leurs présences sur internet. Ce discours est alimenté par la société qui continue de victimiser et de culpabiliser les femmes qui avortent. Dans ce cadre, le Planning défend la suppression de la clause de consciences pour l’IVG : aujourd’hui, la clause de conscience des professionnels de santé reconnaît en France, le droit de refuser tout acte médical autorisé par la loi hors le cas d’urgence (article 47 du code de déontologie médicale). La double clause de conscience qui pèse sur l’IVG participe à une « moralisation » indue de l’avortement – celui-ci devrait être considéré un acte médical comme les autres, faisant partie de la vie de milliers de femmes. » http://www.planning-familial.org/articles/le-planning-et-lavortement-00362

[3] On pourra lire sur ce sujet le blog du père Viot : https://michelviot.wordpress.com/2016/10/03/rossignol-alouette/

[4] Entretien hebdomadaire sur les ondes de Radio Notre-Dame, vendredi 30 septembre 2016.