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Familles, je vous aime !

Article publié le 11 juin 2016 par Pour l'Unité dans Chronique @

Nos familles ressemblent parfois à un champ de bataille où règne la résignation. Comme la France du 18 juin 1940 quand, en pleine débâcle, le général De Gaulle lança son fameux appel. Combien est-il alors réconfortant de réentendre la voix de cet homme d’État qui bâtit tout son engagement sur les valeurs chrétiennes. Ses paroles d’une pressante actualité invitent à ne jamais renoncer : « Le dernier mot est-il dit ? L’espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non ! »[1]. Ce que De Gaulle disait de la France, l’Église le proclame avec détermination au sujet de la famille, en proie à des décisions politiques iniques et aux vicissitudes de la vie. En exprimant son indéfectible confiance dans le lien indestructible qui unit Dieu à la famille, don merveilleux que Notre Seigneur fait à l’humanité.

 « Familles, je vous aime ! » est ainsi comme une exclamation jaillissant du cœur du Christ. Elle structure en effet toute l’action de l’Église – notamment à travers l’enseignement familial constant des papes et les modèles qu’ils nous proposent. Contre vents et marées, l’Église encourage ces cellules fondamentales à témoigner que la vie dans le Christ est déjà une victoire par anticipation.

La « joie de l’amour », une exhortation apostolique venant à point nommé

Experte en humanité, l’Église fait de la famille une urgence missionnaire, quand nos gouvernements successifs la traitent en variable d’ajustement budgétaire ou pire, en bouc-émissaire. En creux de ces déferlements politiques  contre la famille – dernièrement, la déjudiciarisation du divorce – se révèle justement sa vocation au cœur du projet de Dieu : le mariage vécu dans la charité et la fidélité, ouvert à la vie, dévoile en effet une part du mystère merveilleux de la Trinité.

Il fallait bien une exhortation apostolique – trente-six ans après Familiaris consortio et deux synodes – pour apporter une réponse adaptée aux « signes des temps » dont la liste s’allonge inexorablement. Qui lira Amoris Laetitia[2] (la joie de l’amour) trouvera une analyse percutante de ces enjeux fondamentaux pour la famille : l’éducation, l’individualisme, l’indifférenciation sexuée, l’effacement du rôle du père, la dévalorisation de la femme, la révolution transhumaniste, les drogues, la misère spirituelle et matérielle, les nouvelles formes d’esclavagisme (marchandisation du corps humain), l’effondrement du mariage en tant qu’institution, les attaques contre les êtres les plus fragiles, etc. Le tout dans un cadre transnational qui nous oblige – notamment en Occident – à nous décentrer dans notre vision du monde.

Un guide de sainteté pour les familles

Le pape François, à l’image du « bon pasteur », prend soin de ses brebis en recherchant celles qui s’égarent. Il propose avec Amoris Laetitia un «petit manuel au service de la vocation des époux à la sainteté » (Mgr Dominique Rey, évêque de Toulon)[3]. Son pari : une véritable théologie pastorale partant du vécu des personnes leur offrira un antidote puissant contre le défaitisme promu par « l’esprit du monde ». Rempli de conseils pratiques pour les époux, le chapitre 4 peut aisément se lire indépendamment du reste. Le pape y écrit que l’ « amour véritable » s’enracine dans le fameux « hymne à la charité » de saint Paul (Colossiens 13, 4-7) dont les quatre dernières phrases – « La  charité excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout » – tracent les lignes directrices.

Sans s’arrêter de façon doloriste à la Croix, le pape nous encourage à valoriser le chemin de purification permis par le « passage dans le creuset de la douleur ». La vie conjugale et familiale peut en effet à travers ses moments d’égarement, donner « un grand témoignage,  nous rappelant ce que disait Péguy : « nos fidélités sont des citadelles ».

Vertu fondamentale à pratiquer, la patience constitue « une qualité du Dieu de l’Alliance qui appelle à l’imiter également dans la vie familiale. Peu importe que [le conjoint] soit pour moi un fardeau, qu’il contrarie mes plans (…) qu’il ne soit pas tout ce que j’espérais ».

À la suite de saint Paul recommandant «que le soleil ne se couche pas sur votre colère » (Ep 4, 26), François exhorte les familles à « ne jamais terminer la journée sans faire la paix en famille. Et comment dois-je faire la paix : me mettre à genoux ? Non ! Seulement un petit geste, une petite chose et l’harmonie familiale revient. Une caresse suffit, sans rien dire ». Un appel à poser dans la vie conjugale et familiale des gestes gratuits exprimant la « tendresse de Dieu ».

Sur le pardon, qui est une sorte de « don parfait » : « Les époux, qui s’aiment et s’appartiennent, parlent en bien l’un de l’autre, ils essayent de montrer le bon côté du conjoint au-delà de ses faiblesses et de ses erreurs. (…) Cette personne, avec toutes ses faiblesses, est appelée à la plénitude du ciel. Là, complètement transformée par la résurrection du Christ, ses fragilités n’existeront plus, ni ses obscurités, ni ses pathologies. (…) Cela nous permet aussi, au milieu des peines de cette terre, de contempler cette personne avec un regard surnaturel, à la lumière de l’espérance. »

Il n’est certes pas de chemin facile pour les familles qui marchent derrière le Christ. Mais saint Augustin n’écrit-il pas que « plus le danger a été grand dans le combat, plus intense est la joie dans le triomphe ? » Le pape François en conclut : « Après avoir souffert et lutté unis, les conjoints peuvent expérimenter que cela en valait la peine, parce qu’ils sont parvenus à quelque chose de bon, qu’ils ont appris quelque chose ensemble, ou parce qu’ils peuvent mieux valoriser ce qu’ils ont. Peu de joies humaines sont aussi profondes et festives que lorsque deux personnes qui s’aiment ont conquis ensemble quelque chose qui leur a coûté un grand effort commun. »

L’appel à la sainteté des couples

Nous avons besoin du témoignage de couples, tels une lumière placée au sommet de la montagne, pour manifester le sens et la fécondité de ce « grand effort commun ». À cet égard, les paroles du Christ sur « la vraie vigne » et les « sarments » (Jean, chapitre 15) n’évoquent pas une existence idéale. Mais un quotidien « ordinaire » à vivre « de façon extraordinaire » dans la fidélité à Dieu qui, en retour, prend soin de Sa vigne, comme le disait d’ailleurs notre pape en ouverture du premier synode sur la famille. L’appel à la sainteté est universel, « en suivant [sa] propre voie » (Lumen gentium, n. 41).  Ainsi, le chemin de sainteté des couples a ceci de particulier que « la grâce sacramentelle, qui  n’est pas épuisée dans la célébration du sacrement de mariage, accompagne les époux tout au long de leur existence » (Familiaris consortio, n. 56).

Cette fécondité est particulièrement visible à travers le lien étroit qui unit le mariage et la vie consacrée. Les deux couples qui ont été béatifiés en tant que couples[4] l’ont ainsi été lors d’une journée mondiale de la mission.[5] Que de  vocations au sacerdoce et à la vie consacrée sont nées grâce à la foi transmise par les Quattrocchi et les Martin, au sein de leur foyer et à leur entourage ! Plus près de nous, les Noirot-Nerin, Anne-Claire – dont la vie bascula après une chute à vélo – et son mari, Bernard,[6] nous montrent combien une épreuve vécue dans la foi, l’espérance et la charité produit des fruits en abondance.

Pol Denis

[1] http://www.charles-de-gaulle.org/pages/l-homme/dossiers thematiques1940-1944-la-seconde-guerre-mondiale/l-appel-du-18-juin-1940.php

[2] http://www.vatican.va /content/francesco/fr/apost_exhortations/documents

[3] Famille Chrétienne, n° 1996, 16-22 avril 2016.

[4] Deux belles biographies leur ont été consacrées : « Une auréole pour deux, Maria et Luigi Beltrame, Danese Attilio, 2004 » et

« Louis et Zélie Martin, les saints de l’ordinaire, Hélène Mongin, 2008 » – toutes deux publiées aux Éditions de l’Emmanuel.

[5] 21 octobre 2001 pour Luigi Beltrame et Maria Quattrocchi par saint Jean-Paul II ; 19 octobre 2008 pour Louis et Zélie Martin par

   Benoît XVI (ce couple a depuis été canonisé par le pape François le 18 octobre 2015).

[6] https://leblogdanneclaire.worlpress.com. Le couple témoignait le 31 mai 2016 à Notre-Dame de Paris (veillée de prière pour la vie).