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La Révolution et l’Ascension

Article publié le 15 mai 2018 par Pour l'Unité dans Chronique @

Le Président de la République a exprimé sa conception de la laïcité à l’occasion de son intervention au Collège des Bernardins, le 9 avril dernier. Son discours[1], émaillé de nombreuses références théologiques, aborde la question de la contribution que la religion catholique peut et doit apporter à l’édification d’une société juste.

Il est intéressant de relever la continuité entre ce discours et le livre-programme d’Emmanuel Macron, intitulé Révolution, [2] qui pose les bases socio-économiques, mais également métapolitiques, d’une nouvelle société.

L’auteur considère en effet qu’un Président « porte aussi, de manière moins visible, tout ce qui dans l’État transcende la politique » (Révolution – page 252), tout en se défendant de n’être « ni l’inventeur ni le promoteur d’une religion d’État substituant à la transcendance divine un credo républicain »1.

Nous sommes cependant en droit de nous interroger sur ce que signifie dans la pratique la liberté d’expression accordée à l’Église, telle qu’elle est présentée par le Président dans son discours du 9 avril : « Cette voix de l’Église, nous savons au fond vous et moi qu’elle ne peut être injonctive. Parce qu’elle est faite de l’humilité de ceux qui pétrissent le temporel. Elle ne peut dès lors être que questionnante ».  Un élément d’éclairage permettant de mieux comprendre l’extrait précédent est donné par « Révolution », comme en témoigne ce qui suit. « La République que nous aimons, celle que nous devons servir, c’est celle de notre libération collective. Libération des superstitions, religieuses ou politiques  (…). La République est notre effort, un effort jamais achevé. Cette France, républicaine par nature, qui est la nôtre, a des ennemis (…). Les républicains ne peuvent jamais faire l’économie de les nommer. (…) La seule vérité qui soit française, c’est celle de notre effort collectif pour nous rendre libres et meilleurs que nous sommes » (ibid. – pages 53-54). Vaste programme !

Nous devrions en tirer comme enseignement que si l’Église peut participer au débat public (notamment dans le domaine bioéthique), ce n’est que pour « poser des questions ». Doit-elle au préalable se soumettre à la censure avant de s’exprimer publiquement ?  Ces questions sont-elles limitatives ? Si l’on comprend bien, toute parole « non questionnante » venant de l’Église sera d’emblée perçue comme un « ordre formel d’obéir sur le champ sous menace de sanction », ce qui est la définition même d’une injonction. Mais si l’Église n’est reconnue que comme une ONG dans le domaine de l’action sociale ou à un club d’animateurs de débat, elle se trouve privée de sa mission prophétique, annoncer Jésus-Christ, Dieu d’Amour et de Vérité,  pour le Salut des hommes et dans le respect de leur liberté. Il faut même aller plus loin. Qu’apportera l’Église comme contribution efficace à l’édification du Bien commun si elle répond aux questions de la société… par d’autres questions ? Cela signifiera que l’Église n’a rien de nouveau à proposer au monde, qu’elle ne peut aider l’homme à étancher sa soif d’Amour et de Vérité, qu’elle renonce en somme à son origine et à sa vocation divines. A contrario, si la religion se voit limitée dans ses prérogatives, la République accède quant à elle au statut d’une véritable autorité morale apte à définir la « seule vérité » comme étant « celle de notre effort collectif pour nous rendre libres et meilleurs que nous sommes », destinée à libérer le monde « du joug de l’ignorance des religions qui asservissent » (ibid. page 54). Cette ambition républicaine, prétentieuse et fallacieuse, fixe pour seul cap la « vérité-liberté », une bouée ballottée par les courants du matérialisme et de l’individualisme. Ce « projet fou d’émancipation des personnes et de la société » (ibid., page 54)  nous renvoie aux idéologies révolutionnaires.

L’Église n’est pas une entreprise temporelle qui devrait préalablement soumettre son plan de communication à un pouvoir politique. Elle « n’exerce pas la fonction de préparer le retour d’un Jésus absent. (…) Elle trouve au contraire la raison de son être et de sa mission dans la présence permanente bien qu’invisible de Jésus, une présence agissant avec la puissance de son Esprit. »[3] L’Église se fait l’écho d’un Dieu vivant, qui inaugure après l’Ascension, que nous célébrions récemment, une nouvelle forme de relation avec l’humanité ; sa mission est d’agir, de prier et de parler pour étancher la soif d’Amour et de Vérité qui habite tout homme, et non le renvoyer les mains vides à ses questions existentielles.

La Révolution, qui nous ramènerait comme un objet en mouvement orbital… au point de départ, n’est pas un objectif en soi pour l’humanité. L’Ascension exprime le fait que le Christ seul donne un sens véritable à notre existence.

Pol Denis

Mai 2018

[1] http://www.elysee.fr/declarations/article/transcription-du-discours-du-president-de-la-republique-devant-les-eveques-de-france/

[2] Dans cet ouvrage (paru en novembre 2016 chez XO Éditions – 270 pages), Emmanuel Macron, alors candidat à l’élection présidentielle, raconte son histoire personnelle et sa vision de la France et de son avenir, dans un monde qui traverse une « grande transformation » comme il n’en a pas connu depuis l’invention de l’imprimerie et la Renaissance.

[3] https://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/homilies/2009/documents/hf_ben-xvi_hom_20090524_cassino.html