Depuis plusieurs années, nous avons des échanges avec Mgr Jean-Clément Jeanbart. Il a été de 1995 à 2021 métropolite (archevêque) de l’archéparchie d’Alep de l’Église grecque-catholique melkite (Syrie). Son prénom et son nom fleurent bon les origines françaises. Effectivement, comme l’indique Wikipedia, « Il est descendant d’une famille de commerçants français établis à Alep au XVIIIe siècle ». On retiendra en particulier que durant la guerre en Syrie qui a débuté en 2012, il a beaucoup œuvré, comme il dit, « pour que les chrétiens résistent à la tempête et ne quittent pas leur pays béni ».
Dans sa lettre ci-dessous, datée du 15 août, il évoque deux points :
– le « 15 août » est devenu sa propre « fête patronale » tellement sa dévotion à la Vierge Marie a été essentielle dans son ministère apostolique.
– Marie a protégé sa cathédrale durant les violences du « Printemps Arabe » alors qu’un obus était tombé, sans exploser heureusement, sur la coupole au cours de la célébration des vigiles du 15 août 2012.
On pourrait penser que ce témoignage est déjà trop lointain par rapport à cette grande fête du 15 août. En fait, dans la mesure où nous allons célébrer une autre fête mariale, certes moins solennelle, celle du 8 septembre, jour de la nativité de la Vierge Marie, nous pensons qu’il s’agit d’une bonne raison de se tourner une fois de plus avec joie et une immense gratitude vers Marie, la Mère de Dieu. En effet, n’oublions jamais que sans son « oui » à Dieu, il n’y aurait pas eu d’Incarnation de la Deuxième Personne de la Sainte Trinité, Jésus-Christ, donc pas de Rédemption de l’humanité, donc pas d’Espérance dans une vie éternelle avec Dieu.
Nous remercions vivement Mgr Jeanbart pour ce vibrant témoignage.
Photo du Pape Léon XIV qui échange le 14 mai avec Mgr Jeanbart dans la salle Paul VI au Vatican à la suite d’un discours du Pape adressé aux Pasteurs des Églises Orientales. (© Vatican)
Dans le corps du texte, photo de la cathédrale endommagée notamment avec le trou de l’obus dans la coupole.
Bonne fête bien cher ami,
Je ne sais vraiment pas tout à fait ce qui porte un grand nombre à célébrer chaque année, d’une façon soit intime personnelle soit sociale et communautaire, le jour de l’Assomption !? Est-ce la réminiscence d’une tradition qu’ils ont pu hériter de leurs anciens, ou bien la résurgence d’une dévotion innée qu’ils ont pour Marie, louable et qui leur tient à cœur ? Si je pose cette question cher ami, c’est parce que je constate, à mon âge, que cette dévotion mariale coïncide étrangement avec tout un parcours de ma vie sacerdotale et épiscopale que j’avais eu soin de mettre sous la protection de notre Dame, Patronne de notre Cathédrale Épiscopale, ce qui m’avait porté à aller encore plus loin et à décider d’établir que ma fête patronale personnelle puisse désormais être célébrée, chaque année, en ce 15 Août de l’Assomption.
Le jour de mon sacre épiscopal en septembre 1995, à l’issue d’un temps de méditation profonde sur le mystère de la maternité universelle de la Mère du Sauveur, je me suis mis moi-même, en toute confiance, sous la protection de Marie et j’ai mis entre ses mains mon ministère apostolique, et tout ce que je serai appelé à réaliser au service de la Sainte Église dont elle est la Mère. Je dois reconnaître qu’elle ne m’a jamais déçu, ni manqué au rendez-vous. Grâce à Elle j’ai vécu une vie apostolique sereine, intense et remplie de réalisations missionnaires innombrables et de toutes sortes, aussi bien spirituelles et pastorales, que structurelles et humanitaires. Sans entrer dans les détails de ses nombreuses interventions aux carrefours de mon cheminement sacerdotal, j’ai pensé utile et significatif de vous communiquer cet inoubliable évènement d’un jour de sa fête chérie, advenu à l’Assomption de l’an 2012 à Alep.
En l’an 2012, avec le début des violences du « Printemps Arabe » à Alep, alors que nous célébrions avec notre clergé et un très grand nombre de fidèles les vigiles de la fête Mariale du 15 août, fête patronale de notre cathédrale, comme de tradition le faisaient avec faste, immanquablement chaque année, nos aïeux depuis des temps immémoriaux, en dévotion filiale à Marie et en signe de confiance en sa miséricorde et sa grande bonté envers les siens. En ce jour de fête, un obus d’un calibre impressionnant avait touché la grande coupole de l’église où étaient réunis en prière près d’un millier de chrétiens du diocèse.
Durant la cérémonie religieuse, à l’intérieur de la Cathédrale tout était normal et personne ne s’en était rendu compte, parce que le projectile, par une chance exceptionnelle, pour ne pas dire incroyable, n’avait pu exploser pour causer à nous tous dévots à Marie, un malheur insupportable et un grand désastre. À ce point et ayant, après la célébration, pu aller voir le volume de la bombe et l’aboutissement de sa trajectoire qui l’avait portée en plein sur la coupole, emplacement central de l’église, je me suis ravisé pour me rappeler que c’était la maison de la Vierge avec ses enfants dedans, qui avaient été visés le jour même de sa fête, ce qui m’a immédiatement porté à considérer que ce n’était point un hasard, mais bien Elle qui, une fois de plus, était venue au secours des siens.
Le lendemain, je m’adressais à la grande foule rassemblée dans la Cathédrale en ces termes : « Mes chers frères et sœurs, en ce jour de l’Assomption de notre Dame, où nous pensons particulièrement à sa miséricorde et à son perpétuel secours, nous devons la saluer et Lui rendre grâce encore une fois pour sa grande tendresse à notre égard. Cette tendresse, Elle vient de la manifester de nouveau et une fois de plus, en épargnant à notre communauté qui lui est attachée et fidèle, le malheur de la destruction de son église et en sauvant, en même temps miraculeusement, d’une mort certaine un grand nombre d’entre nous. Gloire soit rendue au Seigneur tout-puissant et louanges à Celle qui l’a porté pour que vive le monde. La joie d’une nouvelle fête de l’Espérance vient de nous être accordée, celle commémorative de la manifestation de sa tendresse pour nous chrétiens d’Alep en cet inoubliable 15 Août 2012 date qui sera marquée dans les annales de notre histoire pour que nos générations futures le sachent et restent fidèles à Marie qui aime les siens et ne les oublie guère dans son abondante Miséricorde, toute leur vie durant et jusqu’à l’heure de leur dormition ».
Chantons donc, avec l’Église d’Orient, l’hymne dédié à Marie en ce jour de sa fête et acclamons-La en ces termes plein d’Espérance : « Dans ton enfantement, tu es restée vierge ; dans ta dormition, tu n’as pas abandonné le monde, ô Mère de Dieu. Tu as été transférée à la vie, étant Mère de la Vie, et par ton intercession tu rachètes nos âmes de la mort ».
Alep le 15 Août 2025
+Métropolite Jean-Clément Jeanbart