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Le sens de notre baptême (6)

Article publié le 28 décembre 2016 par Vincent TERRENOIR dans Billets spirituels

« Tu es le Saint de Dieu ! » s’était exclamé le démon à l’adresse de Jésus, dans la synagogue de Capharnaüm. Il est vrai qu’à proprement parlé, Dieu seul est Saint ! Et précisément, cette sainteté divine que le Père communique au Verbe en l’engendrant éternellement, le Fils la communique à son tour, dans l’Incarnation, à l’humanité qu’il s’est adjoint personnellement, devenant dès lors le Christ « plein de grâce et de vérité » (cf. Jn, 1, 14). Mais cette sainteté divine, Dieu veut également la communiquer à tous les hommes. Il veut nous la communiquer en nous faisant participer à la communion d’amour qui existe au sein même de la Trinité : « Que tous soient un, Père comme toi tu es en moi et moi en toi » (cf. Jn, 17, 21).

 

1- Adoption humaine et adoption divine

 

La vie divine que Dieu souhaite nous communiquer excède évidemment les proportions et les énergies de notre nature humaine. Comment, en effet, pourrait-on extravaser l’océan tout entier dans une poterie ? Par quel moyen Dieu pourrait-il dès lors nous élever jusqu’à lui et nous combler pleinement de sa grâce ? Comment va-t-il s’y prendre pour nous faire entrer dans le cercle intime de sa vie privée et nous faire partager son bonheur éternel ? La réponse est celle-ci : En nous adoptant pour ses enfants.

 

En vertu d’un amour libre mais inimaginable, Dieu nous prédestine à être non plus seulement des créatures mais « ses » enfants, à participer ainsi à sa propre nature divine. Pour bien comprendre l’ampleur d’un tel mystère et d’une telle générosité, il nous faut regarder, tout d’abord, ce qu’est l’adoption humaine.

 

L’adoption humaine est l’incorporation d’un étranger dans une famille. En vertu de celle-ci, un étranger devient un membre à part entière d’une famille. Il peut en porter le nom, les titres et même avoir droit à l’héritage des parents qui l’ont adopté. Mais pour être adopté, en toute rigueur de termes, il faut toutefois être de la race humaine. Et c’est ainsi à tort que l’on parle d’adopter un animal…

 

Or, nous qui ne sommes pas de nature divine mais de nature humaine, nous qui sommes de la race des fils d’Adam et, depuis le péché des Origines, plus proches de l’animal que de Dieu, comment pourrions-nous être adoptés par Dieu ?

 

C’est devant ce problème ontologique que se manifeste alors la merveilleuse condescendance de Dieu dont nous avions parlé dans un précédent entretien. Par le don de ce que nous appelons la grâce, Dieu proportionne, pour ainsi dire, notre être profond à la hauteur du sien. Par le don de la grâce, il restaure la ressemblance divine que notre âme avait perdue suite au péché des Origines.

 

La grâce, de manière générale, est une qualité intérieure, produite en nous par Dieu et qui pénètre notre âme en la rendant agréable, c’est-à-dire à l’image et à la ressemblance de son Fils. Tout comme, dans le domaine naturel, la beauté physique est une qualité prégnante du corps, la loyauté est une qualité prégnante du cœur, le génie est une qualité prégnante de l’intelligence, la grâce est une qualité prégnante de notre âme qui fait de nous « des dieux » (cf. Jn, 10, 34).

 

Toutefois, il y a une réelle et profonde différence entre l’adoption divine et l’adoption humaine. Cette dernière, en effet, n’est que fictive, légale, sans fondement biologique. Elle ne change pas la nature de celui qui est adopté. Alors qu’au contraire, en nous donnant la grâce par le moyen du sacrement de baptême, Dieu pénètre le fond de notre âme et proportionne alors notre être naturel à la hauteur du sien. Ce processus surnaturel, dont la conséquence est de participer à la vie sanctifiante de Dieu, s’appelle l’adoption divine.

 

2- C’est par Jésus et en lui que nous vient la grâce divine

 

Cette sainteté, fruit de la grâce, c’est par Jésus-Christ que nous la recevons. En effet, c’est pour nous conférer l’adoption filiale, écrit saint Paul aux Galates (cf. Gal., 4, 5) que Dieu a envoyé son Fils. C’est en Jésus, effectivement, que la grâce divine est possédée en plénitude. Et c’est en quelque sorte du « trop-plein » de cette plénitude que Jésus possède que la grâce peut alors « dériver » jusqu’à nous, moyennant un canal, un instrument, que l’on appelle un sacrement (cf. Jn, 1, 16). Autrement dit, toute la grâce que Dieu destine aux âmes a d’abord été déposée dans l’âme du Christ et c’est à cette source que l’Église, célébrant les sacrements, puise, grâce après grâce.

 

La grâce baptismale, c’est-à-dire la grâce communiquée à travers le sacrement de baptême, aura donc pour effet de nous greffer, pour ainsi dire, à la relation qui, au sein même de la Trinité, unit le Fils au Père. Sanctifiante par nature, cette grâce de l’adoption nous purifie alors du péché originel et dépose en nous les vertus de foi, d’espérance et de charité, nécessaires ici-bas pour vivre en enfants de Dieu, en fils de la lumière. Bref, cette grâce conforme notre âme à l’image et à la ressemblance de l’âme de Jésus en laquelle toute la Trinité prend plaisir à demeurer. Autant de réalités signifiées à travers les symboles de la liturgie baptismale et que nous développerons dans un prochain entretien.

 

En cette période de l’Avent et bientôt de Noël, il est donc opportun de méditer le mystère de l’Incarnation du Fils de Dieu. À travers cette dernière, en effet, la nature humaine de Jésus est devenue le réceptacle d’une grâce surabondante destinée à être ensuite offerte à tous les hommes. Offerte et transmissible non plus par voie de génération naturelle, comme c’était le cas pour la grâce adamique avant qu’elle ne soit perdue à tout jamais, mais par voie de génération surnaturelle, de renaissance spirituelle…

 

• Père Jérôme Monribot

Décembre 2016