RECHERCHER

« Pour que vive la France » – Poème d’un militaire mort au Mali

Article publié le 4 décembre 2019 par Pour l'Unité dans Chronique @

Le capitaine Clément Frison-Roche, un des 13 militaires morts le 25 novembre au Mali dans le cadre de l’opération Barkhane, a écrit ce splendide et profond poème sur la France, alors qu’il n’était encore qu’aspirant. Nous le proposons à votre réflexion pour ce temps de l’Avent sur le thème du don de soi et de l’amour de la France.

L’amour de son pays et de sa patrie est légitime, contrairement à l’idéologie mondialiste qui voudrait nous faire croire que toutes les nations sont amenées à se fondre dans un magma planétaire à visée purement économique. Dieu a voulu les Nations et bénit le génie de chacune d’elles. Toutes sont appelées à le reconnaître pour leur Dieu et à le louer : « Louez le Seigneur, tous les peuples ; fêtez-le, tous les pays ! » (Ps 116, 1) « Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit » (Mt 28, 19).

Vincent Terrenoir

Pour que vive la France

« Ainsi, toujours poussés vers une étrange quête
Nos pères s’en allaient-ils bravant la destinée,
Tantôt l’air abattu par le poids des conquêtes,
Tantôt l’air guilleret de leurs jeunes années.

Sur les champs de bataille, côtoyant la laideur,
Ils connaissaient la vie et ses plus tristes heures.
Pas un ne regrettait mais tous avaient au cœur
Ce que signifiait mourir au champ d’honneur.

Du plateau de Pratzen où la brume se fane,
Des tranchées de Verdun aux rizières du Tonquin,
Par-delà le Djebel et les vallées afghanes,
La souffrance et la peur étaient leur quotidien.

Mais pour que vive la France et la gloire de son nom,
Ils portèrent au front son prestigieux emblème,
Et subissant l’affront jusqu’à celui suprême,
Ils tombèrent en héros sous le feu des canons.

Les yeux levés au ciel implorant le pardon,
Leurs corps meurtris exhibait une douleur extrême,
Et dans l’ultime soupir sur leurs visages blêmes,
Leurs lèvres murmuraient ce cantique moribond:

« Oh tendre France, douce gardienne de mon baptême,
Prenez ici ma vie, je vous en fais le don,
Veillez sur ma famille et tous les gens que j’aime,
Et rendez je vous prie mon sacrifice fécond… »

Toi France, ingrate mère à la parure ternie,
Laisseras-tu leurs cris se perdre dans la nuit ?
Ils t’ont donné leur cœur, ils t’ont donné leur vie,
N’est-ce pas révoltant que nul ne les envie ?

À tes illustres fils tombés pour la patrie,
Plutôt que souvenir tu préfères l’oubli,
À tes jeunes enfants disparus aujourd’hui,
Plutôt que bienveillance tu préfères le mépris.

Qu’adviendra-t-il de nous ta jeune génération ?
Parmi les injustices de tes institutions,
Et le désintérêt de ta population,
Ne saurons-nous jamais où part ton attention ?

Quel sort réserves-tu à ceux qui serviront ?
Nulles considérations, seules quelques concessions !
Pourtant tu le sais bien, nous qui te chérissons,
Nous ne demandons rien qu’un peu de compassion !

Et s’il m’advenait un jour de périr en ton nom,
Ce serait avec foi mais non sans une question,
Pour que revive France et la gloire de son nom,
Je te lancerais sans haine ce dernier affront,

Tandis que mon chant du cygne, funeste merveille, 
Pareil au flot gémissant de mon sang vermeil,
Fera couler ces mots aux milles résonances: 
« France, ma France, qu’as-tu fait de ta reconnaissance ? »

Clément Frison-Roche