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Prophéties « auto-réalisatrices » à foison

Article publié le 31 août 2023 par Pour l'Unité dans Chronique @

ou la promotion annoncée, une nouvelle fois, d’un « homme nouveau » émancipé de Dieu

Certaines prophéties peuvent s’avérer « auto-réalisatrices » quand celui qui les annonce est en fait aux manettes du pouvoir. Jacques Attali fait partie de cette catégorie de prophètes, même s’il n’a pas exercé directement de fonction politique. Il en a été en tous cas très proche. Né en 1943, ce polytechnicien, énarque et conseiller spécial du président Mitterrand pendant dix ans, est le fondateur de plusieurs institutions internationales. Il est aussi un auteur prolifique (plus de 80 livres vendus à 9 millions d’exemplaires et traduits en 22 langues !)[1]. Il a enfin une grande connivence avec le président Macron dont il est le mentor[2].

Une « brève histoire de l’avenir », ou la chronique d’un cauchemar annoncé

Dans son ouvrage Une brève histoire de l’avenir (publié dans sa première édition en 2007)[3], Jacques Attali décrit le monde des 50 prochaines années (donc jusqu’en 2060 environ). Nous en soulignons à dessein certains passages en gras. Qu’écrit-il ? « Avant 2035, prendra fin la domination de l’empire américain. (…) puis déferleront l’une après l’autre trois vagues d’avenir : hyperempire, hyperconflit, puis hyperdémocratie », laquelle sortira victorieuse des deux précédentes vagues « a priori mortelles ». Cette hyperdémocratie conduira à l’installation d’un « gouvernement mondial démocratique » (p. 11). « L’autosurveillance deviendra la forme extrême de la liberté et la peur de ne pas satisfaire les normes en sera la limite » (p. 20). Cela ne vous rappelle rien ? Par exemple, lors du confinement de 2020, les autorisations de sortie que nous devions signer nous-même[4].

Puis, vers 2060, surgira ce « nouvel équilibre, cette fois planétaire, entre le marché et la démocratie », la fameuse « hyperdémocratie ». Jacques Attali se met à rêver à de « nouvelles forces, altruistes et universalistes, déjà à l’œuvre aujourd’hui qui (…) favoriseront la gratuité la responsabilité, l’accès au savoir » (p. 22).  Mais il faudra être passé par les trois précédentes étapes qui, du reste, ont peut-être en partie déjà été franchies…

La fin de la domination américaine

La fin de l’Empire américain d’abord, avec la perspective qu’il soit un jour dépassé par une puissance rivale. Voilà ce qu’écrivait tout récemment à ce sujet un spécialiste de géopolitique, Manlio Graziano, dans un article de La Tribune[5] : « Le principal problème des États-Unis (…) n’est pas ce déclin relatif en lui-même, qui est un phénomène naturel, mais bien l’incapacité à le reconnaître, que ce soit par orgueil, par calcul électoral ou par simple ignorance. ». Comme en écho à cette prophétie annoncée 15 ans plus tôt par Jacques Attali, l’auteur insistait sur l’obsession américaine de « creuser un fossé entre la Chine et la Russie » face à la menace eurasienne.

Le règne de l’hypersurveillance

Première vague suivant cet effondrement américain : l’hyperempire. Il s’agit là de la partie la plus instructive de l’ouvrage – publié dans sa première édition rappelons-nous en 2007 -, car la plus proche malheureusement de ce que nous observons aujourd’hui. Comme si un film, en accéléré se déroulait sous nos yeux. Selon Jacques Attali, un tel scénario aura bien lieu entre 2025 et 2035. « Se mettra en place un marché sans démocratie, unifié et sans États. (…) Les marchés trouveront de nouvelles sources de rentabilité (éducation, santé, environnement, souveraineté) » (p. 248). « L’objet nomade unique sera intégré au corps d’une façon ou d’une autre. Il servira de capteur et de contrôleur » (p. 250), permettant de « suivre à la trace objets et gens ». Les technologiques d’hypersurveillance – de vraies « technologies d’avenir » (p. 417) que l’auteur appellent de ses vœux « permettront de tout savoir (…) du mouvement des hommes » grâce à des « capteurs et des caméras miniatures ». « La prison elle-même sera remplacée progressivement par la surveillance à distance d’un confinement à domicile. Plus rien ne restera caché ». Des « puces électroniques sous-cutanées » seront utilisées. (…) Chacun sera devenu son propre gardien de prison » (pp. 256 à 259). Une « hyperclasse dirigera l’hyperempire (hypocondriaques, paranoïdes et mégalomanes, narcissiques et égocentriques) », employant « la manipulation, une pratique courante ». Ils n’auront « aucune allégeance, ni nationale, ni politique, ni culturelle » (pp. 281 à 283). « Les classes moyennes, sédentaires par nature, prendront peur des maladies » (p. 286). On ira jusqu’à « dissocier reproduction et sexualité : la sexualité sera le règne du plaisir, la reproduction celui des machines ». On voudra « créer des corps de remplacement » (p. 299).

Des épidémies de masse et des armes génétiques

La deuxième vague sur l’hyperconflit décrite par Jacques Attali paraît moins vérifiée par les faits, en raison peut-être du retour des États-puissance et des soubresauts géopolitiques qui ont surpris les démocraties occidentales. Cependant, il est intéressant de lire que le déclenchement de cet hyperconflit « pourrait avoir lieu à Taïwan » (pp. 305 et 358)… Notons aussi l’apparition « d’épidémies de masse (..) déclenchables à volonté avec l’emploi d’armes génétiques complexes » (p. 334).

La domination des « transhumains »

La troisième vague, enfin, verra une démocratie planétaire s’installer pour « sauver l’humanité de ses démons » (p. 363). Jacques Attali s’enfonce là dans la plus sombre des dystopies…[6] « Des acteurs d’avant-garde, que je nommerai les transhumains, animeront ce nouveau monde », dont « l’Union européenne deviendra elle-même l’avant-garde »…  À aucun moment, Jacques Attali ne définit le « transhumain » (p. 366), si ce n’est comme un « homme nouveau » (p. 389). Cela fait froid dans le dos ! En tous cas, l’auteur insiste : « être transhumain deviendra raisonnable » (p. 388). Nous voilà rassurés…

Parlement planétaire, gouvernement planétaire (p. 378), « hyperintelligence du vivant, dont l’humanité n’est qu’une infime composante » n’agissant « plus en fonction du seul intérêt de l’espèce humaine » conduiront à un « dépassement de l’humanité » (p. 386).

Et aujourd’hui : menace sur la propriété privée

Jacques Attali réitère en 2023 après avoir fait ses premières gammes « prothétiques » en 2007. « Une immense crise financière menace. À moins d’agir vite, elle frappera, probablement au cours de l’été 2023. (…) Comment l’éviter ? (…) quatre solutions : des économies radicales (…) (qui ne feront que créer de la misère et de la violence) ; une relance budgétaire et monétaire (qui ne fera que reporter l’échéance) ; la guerre (…).  Et enfin une réorientation radicale de l’économie mondiale vers un mode de développement nouveau, avec un tout autre rapport à la propriété des biens de consommation et du logement, réduisant à la fois l’endettement et l’empreinte climatique. » C’est en ces termes glaçants que s’exprime Jacques Attali le 12 avril 2023 dans son blog (https://www.attali.com/finance/crise/).

Jacques Attali entend-il remettre en question le droit à la propriété privée ? Au sujet de ce droit, relisons ce qu’en dit le Catéchisme de l’Église Catholique : « la promotion du bien commun exige le respect de la propriété privée, de son droit et de son exercice » (n. 2403) dans le chapitre sur « la Destination universelle et la propriété privée des biens », dont les fondements sont explicités dans un très intéressant article du professeur Jean-Yves Naudet sur le site Aleteia (https://questions.aleteia.org/articles/62/comment-concilier-propriete-privee-et-destination-universelle-des-biens/).

Comme l’explique l’économiste Laurent Aventin sur le blog du Courrier des Stratèges[7], la « propriété foncière qui abrite la famille, c’est à dire le logement, fait régulièrement l’objet d’évolutions juridiques importantes notamment avec les taxes liées aux transactions. Ce que l’on appelle abusivement les frais de notaire représentent 99% de taxes. L’habitat est un fondement pour l’homme, à toutes les époques, c’est un lieu privé où la personne peut se sentir en sécurité, où elle peut se reposer. La propriété reste un droit inviolable et sacré inscrit dans la Constitution française. Supprimer ce droit, comme on a pu le voir avec le communisme qui a instauré des habitats collectifs, reste un facteur de déstabilisation psychologique efficace et un outil précieux de contrôle pour l’instauration du totalitarisme. Les vieilles recettes – même ajustées à la modernité – ont prouvé leur efficacité. L’inflation est un outil déterminant dans cette stratégie car elle requiert généralement une hausse des taux d’intérêt et donc de l’endettement pour les foyers. »

Déjà en 2019, les propos du président Macron sur la propriété privée avaient été relevés par Le Figaro : « La preuve est faite qu’Emmanuel Macron ne veut pas d’une France de propriétaires. »[8]. Faut-il s’en étonner ? Le disciple Emmanuel reste visiblement fidèle à son maître Jacques…

Pol Denis

[1] https://www.attali.com/biographie/

[2] https://www.europe1.fr/politique/jacques-attali-ne-croit-pas-setre-trompe-en-presentant-macron-a-hollande-2921129.

[3] Une brève histoire de l’avenir – Jacques Attali – 2007 – Fayard – 423 pages.

[4] https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2020/03/attestation-deplacement-fr-20200324.pdf.

[5] https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/etats-unis-la-fin-d-une-illusion-de-toute-puissance-926986.html.

[6] « Une dystopie est un récit de fiction dépeignant une société imaginaire organisée de telle façon qu’il soit impossible de lui échapper et dont les dirigeants peuvent exercer une autorité totale et sans contrainte de séparation des pouvoirs, sur des citoyens qui ne peuvent plus exercer leur libre arbitre. » (Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Dystopie)

[7] https://lecourrierdesstrateges.fr/2022/07/30/vous-naurez-rien-et-vous-vivrez-heureux-vraiment-part-1-par-laurent-aventin/

[8] https://immobilier.lefigaro.fr/article/macron-a-pris-en-grippe-les-proprietaires-la-preuve-en-5-exemples_70020f62-2a2f-11e9-85b8-b1891b9fccbc/

Illustration : Image par Katja de Pixabay (libre de droits)