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Une Semaine Sainte pour nous sanctifier !

Article publié le 27 février 2021 par Père Jérôme MONRIBOT dans Billets spirituels

Sous le terme de « Semaine Sainte » l’Église désigne une période centrale de l’année liturgique, allant du dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur, jusqu’au dimanche de Pâques, jour de la résurrection de Jésus. La Semaine Saintenous renvoie ainsi aux derniers jours de la vie terrestre du Christ qui, dans l’économie du Salut, occupent une place fondamentale. C’est ce qu’exprime précisément l’adjectif « sainte » accolé au mot « semaine. » Il s’agit par-là de souligner le caractère exceptionnel de cette semaine, non seulement dans le déroulement de la vie de Jésus mais également dans l’optique de la sanctification des chrétiens. La Semaine Sainte nous transporte ainsi au cœur du mystère de la Rédemption auquel tous et chacun, par la liturgie de ces jours, sommes invités à prendre part, tout particulièrement durant ce qu’on appelle le Triduum pascal, mots qui désignent le Jeudi-Saint, le Vendredi-Saint et le Samedi-Saint. L’Église, en effet, ne vit que du souvenir de la mystérieuse présence et de l’avènement espéré de son Maître et Seigneur : Jésus le Messie, Fils de Dieu. Les mystères qu’elle célèbre durant le Triduum pascal embrassent ainsi le passé, le présent et l’avenir de son histoire. Considérons seulement ces trois derniers moments de la Semaine Sainte, en nous attardant plus longuement sur le Jeudi-Saint.

Le mystère de notre Salut s’est accompli dans les circonstances providentiellement choisies des fêtes pascales d’Israël. Les évangiles ont spécifiquement souligné l’importance de ce divin choix : « Vous savez, dit Jésus, que la Pâque arrive dans deux jours et que le Fils de l’Homme va être livré pour être crucifié » (Mat., 26, 2 ; Mc, 14, 1.12 ; Luc, 22, 1.7.15 ; Jn, 13, 1).

Dans la soirée du Jeudi-Saint, au cours du dernier souper – cena en latin – qu’il fit avec ses disciples, Jésus, par la toute-puissance de sa Parole, s’empare du pain et du vin qu’il déclare être devenus son Corps et son Sang. Se présentant à ses disciples à la fois comme le prêtre qui offre le sacrifice et comme l’Agneau pascal offert par les mains du prêtre, Jésus, pour ainsi dire, institue la messe et un nouveau sacerdoce. Ces deux sacrements, l’Eucharistie et l’Ordre, seront absolument nécessaires pour la croissance et la mission de l’Église, communauté à la fois fraternelle et hiérarchisée, comme le signifie saint Jean en relatant la scène additionnelle du lavement des pieds (cf. Jn, 13, 1-15). Le sacerdoce des Apôtres, et après eux celui des évêques et des prêtres, devra demeurer un service d’amour en faveur des frères.

Mentionnons, également, le matin du Jeudi-Saint, la célébration de la messe chrismale, souvent avancée au lundi ou au mardi pour des raisons purement pratiques. Au cours de cette eucharistie, l’évêque, entouré de ses prêtres et de ses diacres qui renouvelleront leurs promesses d’ordination, bénit les saintes huiles qui serviront, toute l’année durant, à la célébration des sacrements de baptême, de la confirmation, des malades et de l’ordre. Ces saintes huiles sont bénies au cours d’une messe pour bien signifier que toutes les grâces des sacrements qui font de nous « un peuple saint » trouvent leur source dans le mystère pascal qu’actualise parmi nous le sacrifice eucharistique.

Enfin, le soir du Jeudi-Saint, Jésus se retire au jardin de Gethsémani. C’est l’Heure Sainte par excellence : dans la prière, le Christ s’abandonne au Père et à la volonté des gardes qui viennent l’arrêter. Commence alors pour lui un long et douloureux calvaire auquel chacun, après l’office en mémoire de la Cène, est invité à compatir en adorant le Seigneur.

Le lendemain, Vendredi-Saint, toute l’Église porte le deuil de la Passion et de la mort de Jésus auquel nous prépare divers chemins de croix et surtout, durant l’office de la Passion, la lecture de l’Évangile selon saint Jean. Au cours de cette célébration, en souvenir de la mort historique de Jésus, le prêtre ne consacre pas d’espèces eucharistiques. S’il y a évidemment de la tristesse ce Vendredi-Saint, c’est surtout la tristesse qu’inspire nos péchés, celle de la componction et de la pénitence à laquelle nous sommes conviés. Durant l’office de la Passion, prennent place deux actions liturgiques significatives : la grande prière universelle, éminemment catholique dans sa formulation même, puisqu’elle entend rassembler sous la Croix du Christ, par son intercession, toutes les situations humaines, toutes les détresses du monde. Mais également la Présentation de la Croix aux fidèles que le prêtre dévoile par trois fois en disant : « Voici le bois de la Croix qui a porté le Salut du monde ! » Ce dévoilement progressif comporte une signification spirituelle. Avant que le Christ, par sa Résurrection, ne nous ait pleinement révélé la fonction salvifique de son sacrifice, les prophéties messianiques liées à la Croix demeuraient des réalités obscures et vides de sens. Mais depuis lors, aux yeux des croyants, le mystère de la Croix s’est dévoilé comme ayant porté le Salut aux hommes. Paradoxalement, la Croix est donc devenue le triomphe de la Vie. Mais ce dévoilement doit continuer de nous interroger : Allons-nous jeter sur ce bois un regard distrait ou indifférent ? Ou bien saurons-nous y reconnaître, par l’Esprit-Saint, l’appel à la réconciliation que notre Père céleste nous adresse à travers les blessures de son Fils ? L’assemblée, dans tous les cas, nous y invite personnellement, puisqu’à chaque élévation de la croix faîte par le prêtre, elle entonne d’un seul chœur : « Venez, adorons ! »

Le Samedi-Saint, l’Église honore la sépulture du Christ dans le silence de la prière et l’espérance. Certes, cette journée donne le sentiment d’un grand vide mais ce ressenti traduit surtout une joyeuse attente, celle de la Résurrection de Jésus que nous proclamerons durant la vigile pascale. Mais ceci mériterait un sujet tout à fait à part.

À la fois mémoire du passé et gage du futur, la Semaine Sainte est comme un porche d’entrée qui nous introduit au cœur du mystère pascal qu’actualise et rend présent la liturgie de ces jours saints. Tout au long de cette semaine, laissons-nous sanctifier par le Christ.