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La Sainte Famille de Nazareth

Article publié le 14 janvier 2022 par Père Jérôme MONRIBOT dans Billets spirituels

Si nos sociétés modernes ont institué la fête des mères puis la fête des pères, l’Église, quant à elle, aime à célébrer la famille tout entière. Et pas n’importe quelle famille puisqu’il s’agit d’une famille modèle : celle de Nazareth. C’est important de le souligner, car aujourd’hui, en effet, le mot « famille » est très souvent utilisé par les médias ou les politiciens pour qualifier diverses réalités sociétales pourtant très différentes : familles reconstituées, familles monoparentales, familles homoparentales… Et, au bout du compte, jeunes et moins jeunes finissent par croire que l’institution familiale fonctionne essentiellement sous le régime d’un contrat social. Selon cette perspective, qu’importe, dès lors, la masculinité et la féminité des deux parties, du moment qu’elles sont d’accord, qu’elles ont « un projet parental » et un « rôle » à jouer.

Toutefois, il faut le dire au risque de paraître archaïque ou même de déplaire, la famille, dans le plan de Dieu, est une institution naturelle dont la définition et la vie ne peuvent pas être transformées, comme ça, au gré des fantaisies du législateur ou des intérêts du couple, indépendamment de la réalité de leur amour, de leur sincérité, etc… Il ne s’agit pas, dans mon propos, de diaboliser les orientations libres, conscientes et personnelles de chacun. Mais simplement d’affirmer que la famille, précisément, dépasse l’intérêt personnel du couple pour se porter, pleinement, sur le bien absolu que représente la croissance biologique, psychologique et spirituelle de l’enfant. Chaque enfant, en effet, comme Jésus, doit pouvoir avoir la possibilité d’avoir un papa et une maman qui l’aiment et qui s’aiment et, dans ce cocon d’amour, pouvoir grandir en taille, en sagesse et en grâce. Que l’enfant soit naturellement ou non conçu dans le sein de sa mère, qu’il soit enfanté ou adopté, la famille, dans le plan de Dieu, est au service de cette triple croissance. Combien de parents, chaque jour, même hors contexte religieux, se sacrifient, littéralement, par amour, pour le bien de leurs enfants ! Que le Seigneur puisse ainsi les combler de ses bénédictions…

Si nous gardons à l’esprit que la famille est au service de la croissance physique, intellectuelle et spirituelle des enfants, on comprendra, dès lors, que le rôle spécifique du père et de la mère ne soit pas purement et simplement interchangeables. Dans le Livre des Proverbes (1, 8), la Sagesse divine affirme : « Écoute mon fils, les préceptes de ton père et ne rejette pas les enseignements de ta mère. »

Écoute les préceptes de ton père. Si le père est une figure d’autorité, s’il incarne la loi, comme disent les psychologues, n’oublions jamais, précisément, que le but de la loi n’est pas de contraindre ou de punir mais d’éduquer. Et cela, les psychologues ont tendance à l’oublier. Par exemple, quand Dieu nous dit, sous le mode d’un impératif catégorique : « Tu ne tueras pas » – c’est d’abord et avant tout pour éduquer notre conscience individuelle sur la valeur absolue que représente la vie de tout être humain, même si ce dernier est « prénatalement » diagnostiqué comme personne handicapée, même si ce dernier a moins de 14 semaines… Or, aujourd’hui, le discours féministe tend à reléguer le père de famille au rang de simple géniteur. Toutefois, pas de bol, dans la Sainte Famille de Nazareth, Joseph n’est précisément pas le père biologique de Jésus. C’est donc que la paternité humaine transcende la sphère du biologique. En réalité, la paternité humaine – comme la maternité – est une mission extraordinaire qui se reçoit de Dieu, comme Joseph et Marie l’ont eux-mêmes reçue de Dieu. Selon la sagesse de la Bible, le père n’incarne donc pas la loi mais l’éducation, ce qui est tout à fait différent…

Ne rejette pas les enseignements de ta mère. Il faudrait que je développe en profondeur ce verset, afin de bien montrer en quoi « éducation » et « instruction  » ne sont pas strictement synonymes, ce qu’ont généralement tendance à oublier nos gouvernements successifs. Souvenez-vous… Autrefois qualifiée d’instruction publique, l’école est devenue ensuite, abusivement parlant, l’éducation nationale. Vous voyez… Tout se tient. Si on prétend pouvoir inter-changer les rôles du père et de la mère au sein de la famille, c’est parce qu’au fond des choses, on souhaite avant tout confondre éducation et instruction pour dessaisir un peu plus les parents de leurs responsabilités. Je n’ai pas le temps de m’étendre sur ce sujet mais je m’autorise à le garder en réserve pour une autre occasion.

Ce thème illustre, cependant, l’Évangile proclamé à l’occasion de la fête de la Sainte Famille de Nazareth. Les peintres ont souvent représenté cette scène de « Jésus parmi les docteurs. » Ils se plaisent alors à peindre Jésus en position surélevée, le doigt dressé et semblant faire la leçon aux rabbins. Mais ce n’est pourtant pas ce que saint Luc nous raconte. En effet, il note simplement que Jésus écoutait et questionnait les sages de Jérusalem. Ceux-ci, généralement, enseignaient sous les colonnades du Temple, à la manière des philosophes grecs dans l’agora d’Athènes. Cette hellénisation d’Israël, depuis la conquête d’un général d’Alexandre le Grand, aboutira ensuite, malheureusement, aux sophismes juridiques des Pharisiens que Jésus dénoncera. Mais ceci est une autre histoire… Pour l’heure, ce qu’il faut surtout relever, c’est que Jésus écoute et questionne ces savants. Bref… Jésus, malgré son âge, il n’a que douze ans, est un enfant extrêmement éveillé aux choses de Dieu. Ce petit Galiléen – rappelons, qui plus est, que les judéens méprisaient les Galiléens – ce petit Galiléen, donc, issu d’une famille modeste, est vraiment très intelligent ! Les Docteurs de la Loi ne peuvent qu’être admiratifs ! Un peu comme nous le serions nous-mêmes si un tout jeune enfant nous posait des questions très intéressantes sur l’astronomie ou l’agronomie. Inévitablement, nous nous dirions : « Mais d’où vient donc son instruction préalable pour poser de telles questions ? »

C’est une bonne question, n’est-ce pas ? Joseph, travaillant le bois pour subvenir aux besoins de la famille, il n’est dès lors pas très difficile de comprendre que Jésus tenait en fait son instruction religieuse de sa mère, maman Marie. Un peu comme les babouchkas le firent vis-à-vis des petits enfants russes durant la persécution soviétique. C’est dire, corrélativement, le rôle irremplaçable de la mère dans la croissance spirituelle d’un enfant. Oui, mesdames, soyez bénies pour l’instruction religieuse que vous avez offerte à vos enfants ou petits-enfants. Même une simple petite visite à la crèche, avec un minimum d’explications, est une véritable catéchèse !

Alors oui, la Sainte Famille de Nazareth est un bel exemple de famille. Elle est la première cellule d’évangélisation. Elle est un lieu où, à l’exemple de Jésus qui croissait en taille, en sagesse et en grâce, vos enfants peuvent aussi grandir sous le regard de Dieu et des hommes. Aussi, au seuil de cette nouvelle année, soyez bénis pour cette mission que le Seigneur vous a confiée. Être parents est difficile. Je le pressens. Cela demande de l’héroïsme, un esprit de sacrifice, beaucoup d’amour et de patience, mais vous participez aussi, en cela, à l’œuvre de Dieu. Alors merci. Merci pour ce que vous êtes. Merci pour la présence de vos enfants dans l’église du Seigneur.