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Le mystère du temps de l’Avent

Article publié le 13 novembre 2019 par Père Jérôme MONRIBOT dans Billets spirituels

Dans notre vie quotidienne, nous faisons tous l’expérience d’avoir peu de temps pour le Seigneur. Des activités professionnelles, des courses ou des loisirs nous submergent et, à la fin du jour, nous nous apercevons que nous avons négligé notre vie spirituelle, particulièrement à l’approche des fêtes de Noël où tant de « choses à faire » nous accaparent. Sachons mettre à profit, dès lors, cette période que l’Église nous offre et qu’on appelle le temps de l’Avent.

ORIGINES DU TEMPS DE L’AVENT

Le mot « avent » vient du latin « adventus » qui a donné, en français, le verbe « advenir. » Ce terme désigne ainsi la venue d’une chose, la naissance d’un être, l’avènement d’un règne… Dans le contexte de la foi catholique, le mot « avent » fait référence à la venue prophétique du Messie, à la naissance historique de Jésus, à l’avènement eschatologique du Règne de Dieu. Dans le Nouveau Testament, en effet, le terme « adventus » traduit le mot grec « parousia » qui désigne, précisément, le retour en gloire du Christ à la fin des temps.

Les chrétiens n’ont pas toujours fêté Noël. À l’aube du christianisme, en effet, les fidèles, martyrisés à cause de leur foi, étaient surtout focalisés sur la fête de Pâques qu’ils commémoraient chaque dimanche. Il s’agissait pour eux de célébrer le Jour du Seigneur : c’est-à-dire la victoire du Christ, prémices de notre propre résurrection. Avec l’arrêt des persécutions, au 4e siècle, la vie liturgique de l’Église s’organise et se complexifie. On prend alors le temps de méditer d’autres mystères de la vie du Christ, comme celui de sa naissance à Bethléem. Initialement célébrée le six ou huit janvier, la fête de la Nativité du Sauveur viendra peu à peu supplanter la fête païenne du Natalis Solis invictis que l’empereur Aurélien, en 274, avait fixée au 25 décembre.

C’est ainsi que s’installe progressivement une période liturgique préparatoire à la fête de Noël. Institué en Gaule sur une durée de 40 jours, le temps de l’Avent, qu’on appelait alors le « Carême de saint Martin », comportait une dimension nettement ascétique et pénitentielle. En témoignent la couleur violette des ornements liturgiques et la suppression du Gloria aux messes dominicales. À Rome, cependant, l’Avent était surtout vécu comme une période de pieuse et joyeuse attente, à la tonalité plutôt eschatologique, comme le souligne la prière d’ouverture du 1er dimanche de l’Avent :

Donne à tes fidèles, Dieu tout-puissant, d’aller avec courage sur les chemins de la justice à la rencontre du Seigneur, pour qu’ils soient appelés, lors du jugement,  à entrer en possession du royaume des cieux.

LES FIGURES BIBLIQUES DE L’AVENT

Chaque année, les lectures proposées durant le temps de l’Avent mettent plusieurs personnages bibliques en avant : le prophète Isaïe, Jean-Baptiste et la Vierge Marie.

Le prophète Isaïe

Le livre d’Isaïe – que saint Jérôme appelait « le 5e évangile » –, est surtout connu pour ses oracles sur le Serviteur souffrant. Mais Isaïe n’a pas seulement prophétisé la Passion de Jésus. Plus de sept cents ans avant qu’elle n’arrive, il avait aussi prédit la naissance historique de Jésus : « Voici que la Vierge concevra et enfantera un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel. » Ou bien encore : « Un rameau sortira de la souche de Jessé, père de David. » Jean-Baptiste lui-même, sur les rives du Jourdain, reprendra à son compte les paroles du grand prophète d’Israël : « Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers (Mc, 1, 3). »

Jean-Baptiste

Voilà pourquoi Jean-Baptiste est également une figure importante de l’Avent. Situé à la frontière de l’Ancien et du Nouveau Testament, le fils d’Anne et de Zacharie se définit lui-même comme le précurseur du Christ car, assure-t-il, le règne des Cieux est tout proche (Mat., 3, 3). La prédication du Baptiste est ainsi colorée des feux de la justice divine : « Engeance de vipères, déclare-t-il aux Pharisiens et aux Saducéens, qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? Produisez-donc de véritables fruits de conversion (Mat., 3, 7-8). » Pour Jean-Baptiste, c’est évident, la venue du Messie s’inscrit dans l’avènement eschatologique du Règne de Dieu. Chacun doit donc s’y préparer par la repentance de ses péchés et une conversion durable (Luc, 3, 10-14).

La Vierge Marie

Enfin, évoquons la mère de Jésus. En effet, en raison de sa maternité divine, la Vierge Marie est évidemment une figure incontournable du temps de l’Avent. Durant tout le temps de sa grossesse, comme toutes les mères, Marie s’est préparée à accueillir le Fils de Dieu. Toutefois, comme le soulignaient les Pères de l’Église, par l’obéissance de sa foi, Marie a d’abord conçu le Verbe en son âme avant de le concevoir en sa chair. Pour les chrétiens, la Vierge Marie est ainsi une icône vivante de l’avènement mystique du Christ dans les cœurs.

LES TROIS VENUES DU FILS DE DIEU

Cette dernière remarque me permet ainsi de rappeler un enseignement traditionnel de la spiritualité médiévale. Celle-ci distingue trois avènements du Christ, en quelque sorte imbriqués les uns dans les autres, à la manière de poupées gigognes.

Il y a, tout d’abord, la venue historique du Verbe dans l’humilité de la chair et qu’on appelle le mystère de l’Incarnation. Cette venue appartient au passé.

Mais les chrétiens attendent toujours la venue eschatologique du Christ, dans la gloire de son corps ressuscité, au jour du Jugement dernier. Cette venue, quant à elle, appartient au futur.

Enfin, entre ces deux évènements, prend place une autre venue du Christ qui, elle, appartient au présent de chacun. C’est la venue mystique de Jésus dans nos âmes, chaque fois que nous ouvrons nos cœurs au don de la grâce divine.

D’une certaine manière, nous pouvons dire qu’Isaïe est le prophète de la venue historique du Messie. Jean-Baptiste est le précurseur de la venue eschatologique du Christ. Et la Vierge Marie est l’icône exemplaire de la venue mystique de Jésus dans les cœurs.

CONCLUSION

La venue historique du Fils de Dieu est ordonnée à sa venue mystique dans nos âmes. Et sa venue mystique est ordonnée à sa venue eschatologique, afin qu’il nous trouve nets et irréprochables. En célébrant liturgiquement, dans l’intelligence de la foi, le mystère de sa venue dans la chair, nous permettrons alors à Jésus de naître au plus profond de notre âme, avec toutes les promesses de bonheur que sa présence contient. En définitive, toute notre existence terrestre est appelée à devenir un formidable Avent à vivre !